HOMMAGE

Ingkasi était un grand chasseur et un homme généreux. La lumière revenue marquait la fin de l’hiver. Par une belle journée il était parti avec son attelage. La chasse était bonne, il était retourné à son bivouac avec assez de phoques pour nourrir les chiens et la famille. Alors, Ingkasi s’en est allé tranquillement rejoindre ses ancêtres qui jouent là-haut dans les aurores boréales.

Ingkasi était le pêcheur breton du grand fjord. Taiseux, bourru pour ceux qui n’avaient pas le privilège de l’approcher, mais incroyablement tendre vers cette enfant qui n’était la sienne que de cœur, délicat avec sa jeune et blonde épouse. Et comment résister à ce sourire charmeur qui éclairait, le temps d’un éclair, ce visage buriné par les longues chasses sur la banquise. Il était devenu Piniardu, chasseur émérite, par choix. Pour revenir à une vie au plus proche de cette nature généreuse qui ne semble hostile qu’à ceux qui en ont perdu le contact.

J’avais eu ce privilège, à la sortie du long hiver, d’avoir Ingkasi et sa femme comme guides. Ils m’ont emmenée vers l’ouest, avec leurs deux attelages. Nous avions parcouru le grand fjord avec ses chiens vigoureux, bivouaqué sur la rive avant de monter vers Dombrava et son lac haut lieu de pêche. J’avais du faire mes preuves avant qu’il n’accepte de m’emmener sur son territoire, montrer que je résisterai au froid, que je respecterai les consignes, que je resterai prudente devant les chiens.

La récompense était là, la beauté de cette virée bien sûr, mais aussi la découverte de cette belle personne qui m’aura tant appris en si peu de mots, ce lien tissé sans qu’on y prenne garde.

Repose en paix.