Oh qu’il est beau et doux et encore plus, comme il est chaud mon pull en QIVIUT… De la côte Nord-Est du Groenland à Paris, en passant par le Danemark, la Mayenne et la Bretagne, la longue gestation d’un tricot pas comme les autres.
Le pull le plus cher du monde, porté par ma superbe petite-fille Noémie,
en total look Qiviut avec les paarilit - les manchettes du costume groenlandais- et le bandeau
QIVIUT, ce nom doit vous rappeler la saga du duvet de la toison de bœuf musqué que je vous racontais il y a quelques mois déjà. Pour être tout à fait honnête, c’était il y a presque un an, comme le temps passe, tant de mois me séparent de ce bel hiver passé sur les rives du grand fjord gelé.
La maison bien verte de Gaba et Randi, sur les rives du Grand Fjord
Petit résumé des épisode précédents : Gaba le chasseur avait chassé le bœuf musqué sur les collines de la terre de Jameson. Son épouse Randi avait soigneusement gratté la peau, mise à sécher sous la maison. Envoûtée par la douceur du duvet, initiée au filage par les femmes du village, je décidais d’acquérir la toison, qui dû attendre l’été pour rentrer au Danemark à bord de l’unique bateau ravitailleur estival. L’automne venu, j’allais donc rendre visite à Monsieur l’ex Chef de la Police d’Ittoqqortoormiit rentré en son bercail danois. Et voici la toison finissant son séchage sur mon qajaq dans le jardin breton.
un petit îlot groenlandais au bord du Golfe du Morbihan
Quelques mois plus tard, venait le temps de la récolte d’un infernal mélange de poils et de duvet, quatre gros sacs pleins qu’il fallait trier, trier, trier des heures durant pour récolter le précieux duvet et mettre de côté les longs poils noirs et durs qui finiront bien par servir à quelque chose, un jour. Pendant ce temps, je perfectionnais mon apprentissage du filage au rouet en filant de longues mèches de lama dans notre belle Mayenne, car le filage ne connaît pas de frontière. Encore quelques mois et oh joie ! le premier écheveau de qiviut, en deux fils retors s’il vous plaît, s’enroulait enfin sur mon écheveaudoir fait maison. Premier écheveau, première pelote, quel bonheur !
Il n’y avait plus qu’à se saisir d’une paire d’aiguilles et se mettre à tricoter. C’est du moins ce que je pensais dans ma grande naïveté de tricoteuse débutante. Il fallait bien vite me rendre à l’évidence : je devais commencer modestement. Et même, commencer tout petit petit. C’est ainsi que mon œuf à la coque matutinal fût chapeauté bien chaudement.
Mais de malins korrigans en coiffèrent aussitôt une sculpture d’ébène de bonne facture, héritage d’un lointain grand-oncle, réunissant dans ce geste facétieux le qiviut inuit et l’homme africain.
en arrière plan, un tableau de l’artiste danoise Conni Bønløkke, peint à Ittoqqortoormiit.
Me voici donc prête à commencer un travail sérieux. Je repérais un magnifique modèle de l’islandaise Hélène Magnússon, heureusement en version française, qui répond au joli nom de Hryggir car l’empiècement circulaire en dentelle forme comme des arrêtes de montagne - hryggir en islandais. L’aventure s’annonce poétique.
l'empiècement rond au point dentelle me rappelle joyeusement le nuilarmiit,
la collerette de perles tressées du costume national groenlandais
A la lecture des indications et schémas, je commençais à blêmir. Tricoter en rond ? De haut en bas ? Un tricot d’une seule pièce sans couture ? Et avec un point de dentelle incompréhensible ? Allez hop, je me jette dans l’aventure sans plus réfléchir. Je tricote l’empiècement, il faut le laver et le mettre à sécher en rond bien tendu, décidément ce tricotage devient de plus en plus bizarre.
le séchage de l'empiècement, tout un art
Saperlipopette, je n’ai plus de laine, vite vite il faut à nouveau trier, filer, filer, trier, peloter, tenir un carnet du filage, du poids, des longueurs de fils. Les semaines , les mois passent et l’ouvrage avance à pas menus. Mais il avance.
Et enfin le grand jour vient, le moment attendu depuis trois ans : je ferme le DERNIER POINT ! Ah, je peux vous dire que je l’admire, ce pull, je le caresse, je m’imprègne de sa volupté, j’hésite, va-t’il m’accepter ? Courage, j’enfile le chef d’œuvre. La chaleur diffuse immédiatement sur mes épaules. On me l’avait dit : ce fil de laine est plus léger et bien plus chaud que le cashmere. Et c’est vrai. Une chaleur à la légèreté impalpable. Le bonheur total.
Je ne remercierais jamais assez toutes celles et ceux qui ont permis la naissance de ce pull sans frontière, le plus cher du monde ! Le bœuf musqué qui a offert sa toison, Gaba le chasseur, Randi son épouse, Lone, Ruth et Adda patientes initiatrices au club de couture à Ittoqqortoormiit, Peter pour la petite place dans le container, Christel la fileuse de Mayenne, Hélène l’islandaise pour son modèle, mon chéri pour le plus sophistiqué des écheveaudoir...
et mon adorable Noémie top-modèle de ce reportage.
Commentaires
Ton pull est certainement fort agréable à porter et exceptionnellement chaud (puisque tu le dis ?) et Noémie est bien gracieuse (normal ... c'est de famille) !