Cinq minutes, Clara n’a que cinq petites minutes pour convaincre son auditoire. Face à la Chine, à la Russie, à l’imposant groupe pétrolier, devant une ONG et le conseil de l’arctique, aux côté du peuple Sami, devant la France pays observateur, elle défend les intérêts d’Ittoqqortoormiit. Que ce passe t’il donc en ce joli mois de mai 2019 à Paris ?
L’émotion au bord des lèvres, Clara monte sur l’estrade et saisi le micro. Il fait chaud sous le blouson de fourrure et les jambes tremblent bien un peu dans les bottes fourrées. C’est maintenant qu’elle joue, enfin, le rôle travaillé sans relâche avec toute sa classe de seconde depuis deux mois. Nous sommes dans le grand auditorium d’un lycée parisien. Le concours d’éloquence annuel pose cette année aux candidats une question bien ardue pour ces tout jeunes élèves :
« De qui, de quoi, faut-il sauver l’Arctique ? »
L'incroyable auditorium du lycée parisien
Pour mes chers lecteurs un peu éloignés de la vie de lycée, sachez que le programme de géographie de classe de seconde propose un module « Mondes Arctiques ». C’est devenu une tradition dans le Lycée Saint Michel de Picpus. Chaque année, le lycée convoque la crème de la crème des spécialistes de l’arctique, pensez donc : le célèbre glaciologue Jean Jouzel, les scientifiques de la goélette Tara, le respecté géopolitologue de l’arctique Mikaa Mered. C’est lui qui a eu l’idée de transformer ce classique module d’enseignement en concours d’éloquence !
onze rôles, onze candidats des onze classes de seconde !
Chacune des onze classes de seconde se voit attribuer un rôle, par tirage au sort : le Conseil de l’arctique, une célèbre ONG, la multinationale Total, un représentant du peuple Sami, les USA, la Russie, la Chine, la Finlande, l’Islande. Et, idée de génie, un représentant du village groenlandais d’Ittoqqortoormiit. Nous y voilà.
Mais une classe, c’est une bonne trentaine d’élèves. Il faut alors désigner celui, ou celle, qui défendra les couleurs de la classe. Et c’est ainsi que Clara est choisie, démocratiquement et à la quasi unanimité. Clara sera en binôme avec Gabriel. C’est elle qui portera la parole d’Ittoqqortoormiit !
Pendant deux mois, c’est l’effervescence. Les élèves, en petits groupes, lisent, discutent, recherchent. Les ordinateurs et tablettes passent en mode surchauffe, les cerveaux aussi. Petit à petit, chaque classe définit sa stratégie, élabore le point de vue de « leur » rôle. Puis tente de condenser toute cette réflexion en un texte qui doit pouvoir être dit en cinq minutes.
Dans la classe de Clara et Gabriel, on analyse la chronique "Fragile Futur" de votre Blog préféré. Le texte du discours est fin prêt. Il reste encore au binôme à travailler mémorisation, diction, contrôle du temps. Sans répit, Gabriel fait répéter Clara, tant pis pour les pauses du déjeuner.
Fragile futur, une chronique inspirante pour Clara
L’amphi est chauffée à blanc. Presque 400 élèves attendent les discours. Les onze classes de secondes sont là au grand complet avec les professeurs - surtout ceux d’histoire-géo. Clara et les dix autres candidats vont défendre leurs arguments. Seuls, sans note, devant le jury. Un jury qui rassemble le directeur de l’établissement, la documentaliste du lycée, le responsable des classes de première, les deux finalistes de l’an dernier et bien sûr Mikaa Mered l’initiateur du concours assisté de Camille Escudé spécialiste de la gouvernance régionale en Arctique.
"La Russie" défend ses arguments devant le Jury
Les concurrents se succèdent à la tribune. Clara enflamme la salle en proclamant avec fougue, s’adressant à ses adversaires :
« Au nom de la beauté de nos terres et de nos fjords, au nom de notre culture et de notre langue, au nom de notre histoire et de notre patrimoine, ne faites pas perdurer cette tradition malsaine consistant à satisfaire votre soif de pouvoir qui a déjà anéanti bien des cultures, séparé bien des familles et brisé bien des vies ».
Les représentantes de la France et d'Ittoqqortoormiit proclamées finalistes par Mikaa Mered
Le jury désigne les deux finalistes, la représentante de la France… et Clara. « La France » et « Ittoqqortoormiit » se retrouvent face à face pour une « battle » finale ou chacun doit exprimer son intime conviction. En dix minutes de préparation, Gabriel incite Clara a examiner ce que pourrait être les arguments de l’adversaire. Forte de cette ultime préparation, Clara, 15 ans, habitée par son personnage, remporte haut la main la victoire.
La France et Ittoqqortoormiit récompensées pour leurs brillantes prestations
Ittoqqortoormiit, sublime village de la côte Est du Groenland, vient de voir naître la meilleure des ambassadrices. Depuis sa victoire, Clara n'a qu'un rêve, découvrir ce village du bout du nord.
Je tiens à remercier Clara et Gabriel et leurs professeurs pour la qualité de leur travail et leur accueil chaleureux : Valérie Baldin, Frédéric Gout, Véronique Lecourtier, Catherine Pujo-Calas, Nathalie Renault, et bien entendu Camille Escudé et Mikaa Mered à qui je dois le bonheur d’avoir vu naître une talentueuse ambassadrice pour « mon » village arctique préféré.
Textes et photos autorisées par le lycée et les parents.
photos © lycée Saint-Michel de Picpus
Commentaires
bonjour Dominique,
je comprends ta joie, partagée en effet par celles et ceux qui ont suivi ton aventure. Ayant déjà participé à un jury de concours d'éloquence au lycée de Coutances, organisé par la LDH locale, je perçois la difficulté et l'intensité de la préparation pour les jeunes et la concentration extrême que cela exige d'eux ... et des membres du jury qui portent une lourde responsabilité. Cette jeune Clara a défendu les couleurs d'un peuple en lutte contre les avidités de autres puissances et peut-être aussi de certains groenlandais qui ont intégré ce système où l'argent prime sur l'humain. Bravo à Clara, à ses enseignants, à Mika, et à toi !
amitiés d'Hélène
Que c est top cette activité !!! Je trouve génial, et puis défendre les couleurs d’Ittooqqortormiit ... bravo aux initiatuers’ Bravo aux jeunes, j’espère que Nantes se lancera dans ces joutes ...