Voyez vous cette silhouette qui s’agite sous MA fenêtre, bravant les rafales furieuses et les tourbillons de neige ? Ce n’est autre que ma fidèle « base arrière », qui se retrouve piégé aux avant-postes. Un comble. Car ici, l’hiver impose ses règles.
Mercredi 10 Janvier 2018
lever du soleil …/...
coucher du soleil …/...
crépuscule : 10:07 –15:04
neige abondante, vent en rafales
température : plus clémentes après deux jours à -20°C
Non, Pascal n’est pas victime d’un accès soudain de folie polaire. Venu passer ici les fêtes de fin d’année, le vent, la neige, les défaillances mécaniques se sont ligués pour le retenir ici, prisonnier sans geôle d’une communauté dont l’isolement est de plus en plus réel.
Dès le début de l’automne, le fjord n’est plus accessible par la mer. Et bien sûr, comme partout au Groenland, aucune route de s’échappe du village. L’écolier qui doit repartir en internat à Nuuk, la jeune femme qui vient d’accoucher sur la côte Ouest, la sœur qui part visiter sa famille à Tasiilaq à 800 km plus au Sud, le grand-père qui va consulter à l’hôpital de Copenhague, l’amoureux qui veut rentrer à tout prix à Paris, tous n’ont qu’un seul choix : un long voyage de deux jours via l’Islande , avant de pouvoir atteindre sa destination depuis la capitale Islandaise. Deux jours et une petite fortune.
Ça, c’est si tout va bien.
Moyen de transfert #1
Mais voilà, il faut déjà partir d’ici. Et pour cela, il faut plusieurs ingrédients : tout d’abord, un hélicoptère en état technique de voler, une météo qui permette décollage et atterrissage à l’aérodrome du Pays des Oies (c’est son nom, en groenlandais). Sinon, le transfert se fait en moto-neige dès que la glace le permet, entre une et deux heures rock’nroll.
Moyen de transfert#2
Il faut aussi que le petit coucou Twin-Otter ait pu décoller du nord de l’Islande de bon matin. Il faut que la météo permette le vol de retour, en espérant que dans l’intervalle les rotations de l’hélicoptère vous ait permis de récupérer vos sacs.
Au coeur de l’hiver, chacune de ces conditions est une vraie gageure. Cette fois-ci, il faudra attendre un peu. A l’hiver 2014, l’étudiant, la sœur, le grand-père ont attendu un mois et douze jours.
Un certain directeur du laboratoire du CNRS ne sera peut-être pas ravi, mais je dois vous confier que moi, je ne me plains pas...
Pour aller plus loin, petites réflexions très personnelles sur un isolat organisé.
Pourquoi donc un tel isolement ? Pourquoi cette décision de ne plus maintenir les vols Air Greenland entre l’Est et l’Ouest, ni même avec la voisine Tasiilaq ? Pourquoi avoir renoncé aux liaisons directes depuis Reykjavik qui permettaient aux chasseurs de vivre aussi du tourisme d’aventure ? Pourquoi le billet d’avion Ittoqqortoormiit-Copenhague peut-il coûter certains jours plus de 2,5 fois le prix du billet entre Ilulissat, capitale touristique de l’Ouest et Copenhague ? Seul un silence pudique ou un naluara -je ne sais pas- répond à mes questions trop curieuses.
Commentaires
Bonjour et merci pour vos chroniques.
Mais quelle est la situation medicale.? Je presume qu'il y a un dispensaire, un medecin etc pour la medecine courante. Mais les les urgences??
Merci pour votre reponse!