Bulletin Météo - ça décoiffe

La maison vibre et résonne sous les coups de boutoirs. Expérience i-NUIT se transforme en Expérience @ tempête. En direct, le journal d'une tempête exceptionnelle qui n'en n'est qu'à son premier round.

Dimanche, minuit.

De mémoire d'anciens, on n'avait jamais senti les maisons vibrer ni vécu une telle violence pendant de si longues heures. A l’entrée du fjord, la tempête devient ouragan. Il paraît qu’ici, nous sommes assez protégés. Je veux bien le croire, mais je n’ai encore jamais croisé de pareils vents. Même ce bon vieil Haddock ne pourrait plus parler de jolie brise.

Tout a commencé samedi vers 11h du soir. Il est monté, monté sans cesse et à l’heure où j’écris ces lignes le rempart fragile des fenêtres m’isole d’une masse blanchâtre tourbillonnante, compacte, effrayante. On ne voit plus qu’à de brefs instants la lumière des réverbères distants seulement de 7 ou 8 mètres. La congère qui trône devant la maison a dépassé les fenêtres du rez de chaussée. Il faut pousser le son de la musique pour se distraire du souffle de ce dragon blanc.

lundi, midi : ma nouvelle chambre, bien protégée du froid par la congère !

Les moto-neiges sont solidement amarrées derrière les maisons calfeutrées. Pourtant il paraît que le magasin a vaillamment ouvert ses portes, tout comme le gymnase. Lors d’une brève et fort relative accalmie, j’ai vu passer une silhouette, pliée en deux, presque à quatre pattes. Ils sont fous, ces Ittoqqortoormiut.

L’exacte vitesse du vent ? On ne le saura jamais car les vaillants techniciens de la station météo n’ont pas réussi à atteindre la station. On parle de 45m/s. 160 km/h de vent, ça décoiffe. Le flux de Nord qui s’engouffre dans le goulet de sortie du fjord va nous secouer encore pendant quelques jours. C’est bien gênant. Surtout que la chaudière n’a pas résisté aux reflux de la cheminée secouée comme un cocotier arctique.

 

Lundi 12h

Accalmie ! Uugu, tel un ange gardien, est venu tenté de remettre la chaudière en état. Rien n’y fait. Les cheminées de nombreuses maisons refoulent sous l’effet du vent, les chaudières sont en rade, on se calfeutre comme on peut. J’ai établi mes quartiers dans le salon, près d’un radiateur électrique, blottie dans la veste en duvet et mes jolis chaussons. Tout le monde s’active sur Facebook pour donner des nouvelles, car au plus fort de la tempête, les ondes refusent d’aller chercher les satellites.

Lundi 18h

Calme plat, ce doit être l'oeil de la tempête. On a quelques heures pour reprendre ses esprits. Pas de temps à perdre, j'enfile salopette, bottes et tout le tralala de l'élégance arctique et hop me voilà partie. Saperlipopette ! D'énormes congères ont changé les passages, enseveli des façades, obstrué les portes et les fenêtres de l'école (chic). Je ne reconnais plus mon village. Les enfants s'en donnent à coeur joie dans des glissades à perdre haleine sur ces montagnes russes de neige durcie. La chaudière a la bonté de remarcher. La maison est bizarrement silencieuse. Pour l'instant.

Mais, le pire dans tout ce capharnaüm, c’est que je suis à court de MAKRON. Catastrophe, je vais mettre quoi, moi, sur ma compote de pommes ?