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Vu de ma fenêtre #19 Les montagnes sont revenues

En un rien de temps, la lumière franche s’est installée sur le fjord, dévoilant enfin les hautes montagnes de la rive Sud. Déjà dix heures de jour pourtant il me semble émerger tout juste de la longue nuit. Il va falloir nettoyer cette fenêtre.

Mercredi 7 Mars

lever du soleil : 7h28

coucher du soleil : 17h51

grand soleil, légèrement nuageux

température : -14°C

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en bas le village, la rivière et la baie des morses, en haut le cap Brewster surmonté des glaciers

Encore toutes enveloppées d’un délicat manteau de brume, les montagnes du Sud sortent de leur rêve hivernal. Devant la falaise noire du cap Brewster, formidable gardien du temple, défile une colonie d’icebergs encore agrandis par un effet mirage. La plus belle carte de cette entrée du fjord est sans conteste ce dessin d’enfant affiché à l’école, qui montre l’incroyable perception géographique des groenlandais.

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Les icebergs s’en vont continuer leur route inexorable vers le Sud, saluant au passage la côte de Blosseville, le mont de Rigny, le pic Bréauté, la baie d’Aunay, le cap Grivel, le port De-Reste.

Mais pourquoi donc la côte au Sud du cap Brewster, porte t-elle autant de noms qui sonnent familiers? L’explication se trouve dans l’histoire du lieu. Une fascination française pour la Riviera Arctique qui dure depuis 1833.

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Cette année là, le brig La Lilloise commandé par le lieutenant de vaisseau Jules Poret de Blosseville, reçoit mission de patrouiller en Islande pour assister la flotte de pêche à la morue. Blosseville trouve là une opportunité d’exercer sa passion pour les observations magnétiques. Le navire n’est pas équipé pour une navigation polaire et il reste bloqué par la banquise à 60 milles du rivage. Le marin, natif de Rouen, effectue pourtant de minutieux relevés de cette côte nord-est du Groenland et nomme plusieurs points remarquables de noms d’illustres contemporains ou de membres de l’équipage. Après un bref retour en Islande, il décide de retourner au Groenland. Nul n’entendit plus jamais parler de La Lilloise et de son équipage, malgré les expéditions de la corvette La Recherche.

La côte de Blosseville est baptisée officiellement en 1900 lors d’une audacieuse expédition de l’explorateur danois Amdrup, rendant ainsi un hommage solennel au marin français disparu. En 1933, le commandant Jean-Baptiste Charcot, à bord du Pourquoi Pas ? retournera sur la côte de Blosseville pour le centenaire de cette découverte restée depuis méconnue.

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Après ce petit détour historique, retour sur « mon » belvédère de la Baie des Morses : une fine couche de nouvelle glace emprisonne les plaques chaotiques des glaces dérivantes, offrant dans un même panorama toutes les subtilités du mot glace. Une leçon de sciences à ciel ouvert, qui dessine distinctement tsigersui -la banquise- de tsigiilar -l’eau qui gèle. Profitons-en, dans quelques jours la neige aura recouvert d’un manteau pudique cet enchevêtrement fragile. J'irais voir ça de plus près, dès que cette vilaine bronchite aura cédé devant la dictature de la pénicilline.

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« Pour aller plus loin » sur l’histoire de la côte de Blosseville et pour le plaisir de savourer la si belle langue du Commandant Charcot, essayez de vous procurer le compte-rendu de son intervention à l’Académie de Marine du 15 décembre 1933. Un régal.

 

 

« Pour aller plus loin » sur la perception géographique des inuit, je vous recommande l’ouvrage savant de la géographe Béatrice Collignon, publié à L’Harmattan « Les inuit, ce qu’ils savent du territoire ».

 

Commentaires

  • Bonsoir Dominique,
    Merci de ces photos si bien commentées et des souvenirs historiques.
    Peut-être que dans une prochaine édition de ton blog, quand tu auras vaincu ton angine, tu pourras nous raconter comment a été célébrée à Ittoqquortoomiit la journée de la femme ?
    Nous espérons tous que tu seras plus prudence que le lieutenant de vaisseau de Blosseville. Ah, s'il avait pu bénéficier du base arrière aussi diligente que la tienne !
    Amicalement

  • Journée de la femme à Ittoqqortoormiit, voilà une belle curiosité. Oui, cette journée a bien été célébrée, et je fus saluée à plusieurs reprises par les hommes d'une manière particulière, avec poignée de main et un claironnant pidduarii qui marque les voeux. Une soirée était organisée pour les femmes à la maison des femmes (là où se tient le club couture du mardi soir) mais hélas ma bronchite est encore un peu trop vive pour les mondanités. Merci pour cette question quasi féministe !

  • Et bien surtout remettez vous bien de cette bronchite!! Nous attendons tous les nouvelles de la baie des morses.....

  • Les montagnes sont comme des revenantes et peut-être le fantôme de l'équipage de la Lilloise erre-t-il dans ce massif surplombant le fjord...
    Journée de la Femme, cela devrait être chaque jour pour saluer la récolte des œufs de la Terre qu'elles effectuent chaque jour et pas seulement des enfants mais de tout ce qui fait que la Terre est notre Mère et pour tout ce qu'elle nous donne chaque jour et où chacun en dehors du sexe biologique devrait se sentir Terre...

  • Quelle belle évocation que cette récolte des oeufs de la terre ! Si toutes les femmes pouvaient se voir ainsi, et tous les hommes respecter avec amour la récolte. Merci Jaakusi pour ta profonde connaissance de ces cosmogonies inuits.

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