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Le Village enseveli

La tempête apaisée, le village s’ébroue et retrouve ses couleurs. Je marche sur un tapis de neige fraîche, toute auréolée de paillettes. Je suis la fée clochette.

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Revenons sur terre, ce n’est que l’air sec qui cristallise l’humidité de l’air en nuée scintillante. La dernière tempête ne m’a pas transformée en fée clochette. Mais elle a encore, inexorablement, transformé le village.

Je ne retrouve plus le chemin. C’est bien normal, il est devenu colline. Je ne vois plus la maison d’en face. C’est normal, son propriétaire non plus. Je n’aperçois plus le réverbère d’à côté. C’est normal, il est englouti.

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Il aura fallu toute la puissance de ce nouveau coup de vent -on a enregistré 66 nœuds, ce qui n’est pas rien surtout avec des rafales à 40m/s, pour ensevelir ainsi tout un village dans une marée de neige.

 

La neige, encore et encore pendant tous ces jours. Un petit tour à la station météo nous apprend qu’au cours des trois premiers mois de l’année on a enregistré des précipitations de 364,4mm. Que l’on juge plutôt, la moyenne des 30 années de 1961 à 1990 était de 150mm pour ces trois mêmes mois.

 

 

 

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Le vent, monstrueux architecte de l’éphémère, soulève pendant des heures, des jours, des congères gigantesques qui s’infiltrent entre les rangées de maisons et transforment les rues en crêtes himalayennes. Là où il y avait un chemin, il n’y a plus qu’un mur infranchissable. Là où il y avait un vallon, il y a une colline. Si ce n’était si beau, on dirait bien l’œuvre d’esprits maléfiques.

Alors on creuse, on pellette, on tranche. Le dragon jaune reprend sa routine et taille des tranchées à ridiculiser celles des poilus.

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Le voisin d’en face sort par une fenêtre côté sud et creuse un tunnel jusqu’à retrouver sa porte dans une gerbe de neige fort élégante. Il lui en coûtera plusieurs heures d’un travail de forçat.

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Il y a cet autre, perché sur une muraille, qui cherche sa fenêtre à grand renfort de pelletées énergiques. Et les enfants, qui ont perdu le génial filet de Spiderman dans le parc de jeux.

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Et puis, il y a la vue de la fenêtre de ma cuisine qui portait jusqu’aux montagnes jaunes, fermée jusqu’à l’été par un rideau opaque.

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ça, c'était avant

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Quatre mois plus tard

Prenons du recul, allons voir le village enseveli d’un peu plus loin, sur ce qui reste de banquise. Demain, tout aura repris son calme.

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Commentaires

  • Dominique, ta prose est toujours aussi exceptionnelle, et comme tu décris des moments, des situations et des paysages exceptionnels, le résultat est de l'exceptionnel au carré ! Bravo et merci. Et la bise

  • on ne pourrait mieux dire!!! À quand un bouquin où nous pourrions retrouver la totalité de cette aventure exceptionnelle, d'une personne d'exception, illustré avec les photos qui nous sont généreusement offerte chaque semaine??

  • "Je marche sur un tapis de neige fraîche, toute auréolée de paillettes.
    Je suis la fée clochette."

    après ces beaux récits en prose, souvent très poétique, voici la poésie en vers....
    illustrée par ces toujours magnifiques photos.

  • What a difference a day makes! Remarkable...

  • Magique description, même si apparemment c'est aussi un effet du changement climatique.....

  • Bonjour,
    On ne peut pas parler de réchauffement climatique ici sans preuve. Il faudrait observer la tendance à long terme et pas sur une année. C'est ce qui fait la différence entre la météorologie et la climatologie. Evidemment que le réchauffement climatique existe mais une fluctuation annuelle autour d'une moyenne n'est pas une preuve. Par exemple il y a un hiver ou deux la quantité de neige à Ittoqqortoormiit avait été très faible, si on l'additionne avec celle de l'année en cours, on risque de retomber sur la moyenne. C'est le danger des statistiques, une moyenne n'est qu'une moyenne, quelque chose qui ne se produit quasiment jamais.
    Amicalement.

  • Mais qui a parlé de réchauffement climatique ? certainement pas moi. Je laisse ce sujet extrêmement sérieux aux scientifiques qui en ont la compétence. C'est donc un sujet que je ne me permets pas d'aborder sur ce blog. Comme le dit fort justement Pascal, des données précises sur une seule année ne peuvent être interprétées comme autre chose que des données précises de l'année en question, et non comme une tendance. Désolée Hélène, mais je suis très sourcilleuse sur ce sujet. Je refuse de tomber dans cette tarte à la crème qui est trop souvent dévoyée ! Restons donc sur la magie de ces paysages...

  • Magnifique reportages, et superbes photos !

  • D'ici , on ne retient que la magie et la beauté de ces images , mais vivre là bas est une aventure de tous les jours et a de quoi "tremper" les personnalités.
    Tu devrais faire l'expérience contrastée des six mois de clarté, ton reportage va nous manquer.....!bises

  • Merci Dominique de cette très intéressante chronique.
    Quelques questions à propos de toute cette neige:
    - comment le "dragon jaune" retrouve t-il son chemin avec une topographie si changeante ?
    - comment fait-il pour éviter les objets tels que moto-neiges enfouis ?
    - où sont passés les chiens ? Y a t-il des abris pour eux ?
    Amitiés

  • Merci pour ces belles questions ! Je vais tenter d'y répondre.
    Le cavalier du Dragon Jaune connaît tous les cailloux de la route, même recouverts par 10m de neige ! Plus sérieusement, il y a beaucoup de points de repères : les maisons, les réverbères. Mais il y a surtout sa connaissance du terrain, qui lui fait ouvrir des passages parfois différents du tracé de la « vraie » route. Le but est de faciliter les déplacements des motoneiges (et des rares piétons). La topographie du village est naturellement très accidentée, même sans neige. Mes mollets en savent quelque chose...
    Les propriétaires garent en général leurs motoneiges en dehors du tracé habituel, et si ce n’est pas le cas, on prévient le « dragon ». Car beaucoup de choses « traînent » dehors, les luges des enfants, les vélos de l’été dernier, des engins de toutes sortes, un vieux traîneau... Ça se débrouille, je n’ai été témoin d’aucune collision !
    Enfin les chiens : ils restent bien tranquillement à la chaîne. Ces chiens là ne connaissent pas de meilleur abri qu’un douillet matelas de neige fraîche. Les congères se forment lorsque le vent rencontre un obstacle, mais les chiens sont toujours dans des emplacements dégagés. Le seul risque est que la chaîne principale s’enterre trop profondément. Les propriétaires de meutes sont vigilants et remontent les chaînes avant les tempêtes. Je n’ai eu connaissance que d’une seule tempête cet hiver, trop violente pour permettre de sortir pendant deux jours, où trois ou quatre chiens y sont restés.
    A bientôt pour de prochaines questions !

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