Le réchauffement climatique ferait une nouvelle victime ici à Ittoqqortoormiit : l'église. Voici un titre étrangement racoleur qui étonnera nombre de mes lecteurs. Que se passe t-il donc ?
au mois d'avril 2017
Il était une fois une bien jolie petite église que même la mécréante que je suis se plaisait à visiter surtout aux glorieux jours de confirmation, défilé de mode des costumes traditionnels. Époque révolue, nous n’entendrons plus sonner la cloche venue d’une frégate française naufragée, nous n’écouterons plus l’orgue, nous ne chanterons plus les cantiques groenlandais à la lumière réconfortante des bougies.
confirmation, mai 2005
Une page de l’histoire se tourne. Le clocheton dominait déjà le rivage avant même que le village n’existe. Un des tous premiers bâtiments construits lorsque le danois Ejnar Mikkelsen décida la création de la « colonie du Scoresby » en 1925, avec la maison du gouverneur et l’entrepôt, réunissant ainsi les valeurs civilisatrices.
extrait du film de la mission polaire internationale 1931
Depuis tous ces mois, je questionne, je creuse, demande au catéchiste, à la pasteure venue pour Noël, à l’organiste, à l’entreprise locale de construction, au charpentier danois de passage et même à Madame l’évêque en visite. Impossible de se faire une idée. Ce qui est sûr, c’est que les fondations se fissurent, le plancher tangue, la toiture ne tient que par les tirants. Saupoudrez la-dessus les florissantes moisissures qui infectent les maisons mal ventilées et vous obtiendrez une condamnation sans appel, tombée à l’automne.
Des experts venus ausculter l’église accuseraient la fonte du pergélisol. Dans ce village ou la quasi totalité des maisons est construite sur la roche vive, il y aurait donc, juste sous l’église, une nappe glaiseuse suffisamment profonde.
Ma curiosité me pousse à revoir les photos de mes premiers séjours. Mai 2005, elle est déjà là, cette mauvaise fissure. Grethe me montre des photos de famille. Mon œil aiguisé remarque, derrière les mariés, cette toujours mauvaise fissure. C’était il y a 20 ans.
Je reste perplexe.
Mon côté ingénieur se réveille. Des solutions, il doit y en avoir à foison. Injection de béton léger, structures de soutien… Je demande qu’allez vous faire ? On opine du bonnet, l’air un peu absent. Les experts ont dit que… on attend le financement… une délégation va venir… c’est la capitale... l’Église de Nuuk…peut-être une nouvelle église.. nadiara, je ne sais pas.
En attendant, les tempêtes ont judicieusement construit des arc-boutants immaculés. Pour cet hiver au moins, l’église dans son cocon ne s’écroulera pas.
La tristesse est générale et les offices de moins en moins fréquentés depuis qu’ils ont lieu à la maison de service communal dont il a fallu élargir la porte d’entrée, trop étroite pour les cercueils. Les défunts s’impatientaient quelque peu. L’orgue, transporté dans cette nouvelle demeure, rends l’âme lui aussi.
La tristesse est un bien noble sentiment. Bien que n’apportant aucune solution.
Commentaires
Je confirme, elle est aussi sur mon croquis datant de 2011 !
Un tuurngaq pourrait bien en être responsable...
j'aime bien l'idée du Tuurngaq, nettement plus crédible que le pergélisol !