Cinq jours de tempête. Cinq jours seule, enfermée, voilà qui n’est pas sans conséquence sur le mental. En léger différé, récit d’une vraie bonne tempête arctique vue de l’intérieur. Second round.
Mardi 16 janvier au matin.
Un choc soudain contre la maison me tire de la torpeur d’une nuit agitée par la furie du vent. Je cours vers la chambre du rez de chaussée. Deux yeux énormes me regardent derrière la fenêtre encore obstruée il n’y a qu’un instant. Un dragon jaune avale la neige à grandes bouchées avides. Je reprend mes esprits, le calme semble être revenu sur le village malmené.
La moindre accalmie est aussitôt mise à profit par les hommes qui luttent pour que la tempête n’engendre pas trop de dégâts. Signal de liberté retrouvée, je chausse mes bottes et m’en vais respirer à pleins poumons. Le dragon jaune s’attaque maintenant à l’école. Le cavalier de cette monture épique de 25 tonnes fait des merveilles. Un virtuose. Une précision d’orfèvre pour une puissance de géant.
C’était trop beau, le vent reprend sa furie, les congères remontent à vue d’œil, l’atmosphère de la maison devient lourde malgré mes efforts désespérés pour trouver un peu d’aération. Je fuis le rez de chaussée enseveli et reprend ma chambre sous les toits. Ceux qui connaissent cette sensation unique du voilier qui part au surf en vibrant de toutes ses membrures pourront imaginer ces nuits et ces jours de tempête. Mon lit devient couchette, ma maison voilier sans sillage, les vagues sont de neige.
Mercredi 17 janvier
Le temps s’étire. Dans la pièce où plus un rai de lumière ne pénètre j’ai un impérieux besoin de respirer, de dissiper l’étourdissement du vent, de retrouver enfin le silence. Pourtant la lumière du jour est bien là à midi, le soleil va bientôt reparaître, enfin c’est ce que disent les éphémérides. Je me sens divaguer. Plus d’internet, le téléphone hoquette. Je me concentre sur le nettoyage minutieux de la laine de bœuf musqué, les longs poils noirs à droite, le duvet à gauche.
Jeudi 18 janvier au matin
Inexorablement, les congères envahissent portes et fenêtres. Je suis prisonnière du monstre blanc. Plongée dans une solitude obscure. La façade de la maison est sous le vent, situation idéale pour qu’une belle grosse congère se forme. Elle grimpe jusqu’au toit. Je vois la neige monter devant la fenêtre de la cuisine et ensevelir la porte d’entrée.
Prise au piège.
(à suivre)
(épisode précédent)
Commentaires
Ca c'est du vertigo polaire !
Un vrai comme dans les livres.
I M P R E S S I O N N A N T!!!! ce doit être l'angoisse seule face à une telle agression , non??? on doit se sentir comme "enterré vivant" ??? heureusement, vous gardez un certain humour,en arborant la figure clownesque!!! bravo!!!!
Salut Dominique ! im... pre...ssio...nant ! voir angoissant !! Mais bon, on te connaît, c'est pas une petite tempête de rien du tout qui va t'avoir! Alors Coco et moi, on t'envoie plein de force pour contrer les forces de la nature... Gros bisous et encore mille bravo pour cette prose et ces photos qui nous transportent vers ce petit village du grand nord... Ciao, Bruno
Toujours garder une certaine distance pour ne pas se laisser emporter par le tourbillon des évènements. Et j'espère bien que le clown n'a pas perdu la parole !
Pas pour les claustrophobes hein?? Je me suis immediatement posée la question des portes et fenêtres....Bon courage!!
Expérience unique, dans un milieu unique !
Pirsiqtualuk en inuktitut !
Passionnant ! Merci de rendre compte d'une manière aussi sensible et drôle de votre expérience étonnante.