Vu de ma fenêtre #12 et 13, Sortie de Nuit

Enfin Il est là. Un grand beau rond, charnu et doré surgi de derrière les montagnes au-delà du fjord. Je me sens devenir adoratrice de l'astre solaire. Que la lumière soit !

Mercredi 24 Janvier 2018

lever du soleil 11h15

coucher du soleil 14h05

crépuscule 9h21 / 15h59

grand beau temps

température : frisquet

Chacun sa genèse. Dans le monde inuit aussi, il est question de l’obscurité qui régnait au commencement du monde. Ce qui convenait très bien au renard, fort habile à chasser dans la nuit. Mais qui ne faisait pas du tout les affaires du corbeau, las de se heurter sans cesse aux montagnes et qui appelait la lumière de ses vœux « Qau, Qau ! ». Dans un parfait esprit d’équité il fut donné raison à chacun et c’est ainsi que furent créés la nuit et le jour.

Je vis le retour du soleil comme une renaissance. Je crois bien que je dormais depuis le 23 Novembre. Six jours déjà qu’il a fait sa première apparition, timide, caché dans la blancheur de nuages. Fini l’obscurité, la pénombre, le crépuscule, l’entre chien et loup.

La neige crisse sous mes pas, signe d’un retour du froid bien vif qui rosit les joues et donne de l’éclat à cette lumière toute neuve. Tiens, mais voici mon ombre retrouvée, je me sentais diminuée sans elle. Profitant de la pause de midi, plusieurs me rejoignent sur la colline de l’héliport. Nous nous gorgeons de ce soleil neuf qui ne semble briller que pour nous seuls, nous les rois et reines de ce village du bout du Nord.

De notre donjon, nous voyons la glace de banquise largement ouverte sous les coups de boutoirs de cette terrible tempête déjà oubliée. Dans l’échancrure en V scintille l’eau noire et les bribes de glace couvertes de neige légère. C’est le moment de retrouver chasse et pêche en bord de banquise, un art qui me semble mystérieux et que je me promets bien de découvrir. Mais ce n’est pas sans danger. Dans la nuit, un homme alerté par les hurlements des chiens ouvre sa fenêtre et découvre l’Ours devant sa maison. Aussitôt, il appelle un piniarneq, car seuls les chasseurs professionnels sont autorisés à abattre l’animal seigneur des lieux. On a eu chaud.

Six jours depuis son retour et déjà le soleil nous offre presque quatre heures de vraie lumière, un vrai lever, un vrai coucher qui vient rosir les vitres des maisons. Le village retrouve ses couleurs, les chiens leurs places douillettes sur la banquise. Tout est apaisé. Je fête l’évènement en dégustant sans aucun scrupule un esquimau face au couchant.

Une si belle journée méritait une apothéose nocturne. Une aurore est venue caresser les étoiles du Nord.