Depuis quelques jours, la glace est devenue praticable. Le chasseur à l'aide de son toq, le long bâton muni d'un fer, sonde la glace. C'est bon, on peut y aller. Il était temps. Retour sur le dernier jour de chasse à umimmaq, le bœuf musqué, pour la session d’hiver. Nous étions le 21 décembre.
Bientôt deux, puis trois quads partent en reconnaissance. Mais comment diable font-ils pour ne pas partir en vrille sur cette glace encore vive ? C’est décidé, demain ils partiront chasser le bœuf musqué, Umimmaq. La chasse de l’hiver dure normalement un mois mais a été prolongée jusqu'au 21 décembre, autorisation spéciale obtenue du gouvernement car la neige trop fine empêche encore les longs déplacements.
C’est que chasser le bœuf musqué n’est pas une mince affaire. Les troupeaux de cet animal étrange qui est en fait un ovin -de la taille d’un bison- se trouvent le plus souvent au cœur de la Terre de Jameson, à 80 ou 100 km du village. Autant dire au moins deux jours en motoneige et près d’une semaine en traîneau à chiens.
Coup de chance, cette fois on a vu les animaux plus près d’Ittoqqortoormiit vers Iddorngitser, le Cap Steward. Les trois chasseurs ont fait la chasse en une seule journée. Deux bêtes chassées. Douze heures de motoneige non stop. Un renversement d’une des motoneiges, une jambe cassée. Et moi, inconsciente, qui aurait tellement aimé partir avec eux ! Ils doivent encore s’en taper sur les cuisses.
Les 12 chasseurs professionnels du village, les respectés Piniartut, ainsi que les autres chasseurs doivent impérativement s’inscrire auprès de la Kommuna pour pouvoir chasser le bœuf musqué car le quota est fixé par le ministère pour chaque communauté. Ittoqqortoormiit a droit pour cette session d'hiver à 70 têtes. Certains pourront vendre quelques kilos de viande de cet animal dans la communauté. Pour l’essentiel, la viande remplira le congélateur familial, ce qui tombe vraiment bien en période de fêtes.
excellent rôti, délicieux en bourguignon...
Il faudra maintenant attendre la saison de printemps en mars, pour retrouver cette chair délicieuse, nourrissante et saine. Car dans le bœuf musqué, c’est comme dans le cochon, tout est bon. Outre la viande, les cornes d’une belle couleur beige se transforment en porte-manteau, en sculpture ou en bijoux façonnés par l’atelier d’apprentissage. La peau grattée et séchée fait la plus chaude des couvertures de traîneau.
Mais ce que je préfère, sans conteste, c’est la laine filée avec le duvet de cette fourrure, le Qiviut. D’une douceur sensuelle et d’une chaleur incomparable, la laine est filée au rouet ou à la quenouille. Seules cinq femmes en maîtrisent la technique. Je m'y essaye aussi au club du mardi !
Une seule peau permet de récolter environ 1kg de Qiviut. Il faudra 15 heures d’un travail méticuleux et patient entre la récolte du duvet et la pelote de laine de 50g. On comprend qu’elle puisse être vendue à prix d’or.
les jolies manchettes traditionnelles du costume de la côte Ouest,
variante Qiviut tricotée par mes petites mains à moi !
Commentaires
Merci beaucoup de ces explications sur la chasse au boeuf musqué.
Peut-être que je ne suis pas le seul lecteur de ton blog à ne pas connaître la différence du filage de la laine au rouet ou à la quenouille !
Nous aurons besoin de démonstration à ton retour !
Bravo pour tes performances au tricot. Ces manchettes paraissent parfaites !
Démonstration promise ! je suis devenue accro au filage de laine de boeuf musqué ... merci à la tribu pour sa fidélité.
oui oui!!! une petite vidéo!!!
Filer, quelle performance!! Bravo pour les manchettes. J'avais été étonnée par l'épaisseur de la fourrure des boeufs musqués....
Mais il parait que ces animaux étonnants sont également en danger et voient leur taille diminuer..?